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VERBATIM. Reconstruire (méthode 4)
Par Florent Blanc et Richard Pétris. «La paix est dans la consolidation des liens entre les hommes et le partage des entre les hommes et le partage des biens communs », écrivait l’intellectuel soufi Cheikh Khaled Bentounès. Il serait en effet illusoire de séparer artificiellement la notion de reconstruction de celle de la mémoire. Censée suivre immédiatement la fin des hostilités, matérielles et symboliques, la phase de reconstruction est avant tout une pause, un temps de latence pendant lequel les acteurs du conflit pensent et pansent les plaies du passé conflictuel pour envisager un avenir.
Emprunté au vocabulaire de l’architecture, le terme met en scène les jeux de la mémoire et les volontés de projection vers un futur autre, afin de repenser les formes du politique et des échanges économiques mais aussi la psyché tant individuelle que collective.
La reconstruction correspond donc à cet entre-deux qui s’étend des ruines de la destruction passée à une phase de retour, à un fonctionnement que l’on voudrait croire normal, comme si la guerre, le conflit et les déchirures pouvaient être effacés. Meurtries, les communautés déchirées par les violences doivent alors parvenir à penser un futur partagé, renouvelé, faisant la part belle à une mémoire conflictuelle apaisée.
L’écrivain espagnol Jorge Semprún, décédé récemment, avait appelé au sujet de la perpétuelle construction d’une Europe de paix à la reconstruction d’une mémoire commune pour dépasser ce qu’il appelait l’hémiplégie des peuples occidentaux qui continuent d’ignorer l’histoire du « demi-siècle de l’Europe de l’Est et du Centre sous les deux totalitarismes successifs ».
La reconstruction est donc aussi celle de la mémoire, inscrite dans les livres d’école, sur le fronton des monuments, dans l’espace public et sur les plaques de rues. Cette mémoire peut entretenir le souvenir de blessures et de haines tenaces, ou dépasser ces sentiments porteurs de nouvelles tensions et les transformer pour ne pas faire porter aux générations futures le poids des conflits passés auxquels elles n’ont nullement pris part. Pour que chaque nouvelle étape, chaque brique et chaque initiative permettent de répondre haut et fort que ce qui compte, c’est l’avenir des enfants nés après les violences qui ont vu leurs parents souffrir et la gestion pacifique de ce bien commun le plus précieux qu’est la vie humaine.
C’est ce qu’illustrent les articles rassemblés dans ce chapitre, car, du pont de Mostar reconstruit aux corps « réparés » des Afghans et des Congolais, sans oublier les âmes réunies à travers la musique de l’orchestre dirigé par Daniel Barenboim, quelle que soit la méthode employée, il s’agit bien d’apporter à chaque fois une petite pierre à un nouvel édifice…
Ce texte a été rédigé au printemps 2011 par Richard Pétris et Florent Blanc pour l’ouvrage « Oser la paix » publié en collaboration avec les éditions Autrement, dans la collection Mook.
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